Mgr Francesco Follo 06/11/2017 @ Mission du Saint-Siège à l'UNESCO

Mgr Francesco Follo 06/11/2017 @ Mission du Saint-Siège à l'UNESCO

Unesco : le verbe ‘aimer’ est toujours lié au verbe ‘faire’

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Discours de Mgr Francesco Follo (Texte intégral)

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Comment avoir pour la Terre « une attitude contemplative » et non pas « utilitariste » ? « Il faut une attitude humaine qui s’assume dans le travail et la responsabilité », souligne Mgr Francesco Follo le 2 juillet 2020, pour la Session plénière de la 209e Session du Conseil Exécutif de l’UNESCO.

L’observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Unesco a invité à « l’amour du prochain, quelles que soient les distances spatiales et chronologiques qui nous séparent de lui ». « Et comme le verbe ‘aimer’ est toujours lié au verbe ‘faire’, le souci que nous aurons de notre maison commune se traduira en ce qu’il faut appeler par son nom : en une authentique œuvre de miséricorde », a-t-il ajouté.

Discours de Mgr Follo

Monsieur le Président,
Madame la Directrice Générale,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

  1. Introduction

Avant tout, permettez-moi de vous présenter, Monsieur le Président du Conseil Exécutif les salutations du Saint-Siège, en vous remerciant de m’avoir donné la parole. À travers vous, je salue toutes les Délégations distinguées présentes aux travaux.

Je vous exprime, chère Madame la Directrice Générale de l’UNESCO, l’appréciation du Saint-Siège pour votre excellent engagement qui garantit la réalisation du mandat de l’UNESCO dans l’action méritoire développée en faveur de la paix durable par l’éducation, la culture et les sciences qui permettent un développement durable et intégral, surtout en cette période gravement et lourdement conditionnée par le Covid-19. Au nom de Sa Sainteté le Pape François, j’ai aussi l’honneur de vous confirmer son estime pour notre Organisation et son soutien pour les activités que nous menons ensemble pour la paix, l’éducation, la culture du rapprochement et pour le climat qui permet d’habiter la Terre comme maison pour toutes et tous. Le Saint-Siège exprime son appréciation pour les documents que le Secrétariat a préparés pour cette 209ème Session du Conseil Exécutif et qui mettent si bien en exergue ces activités dans le conteste troublant du Covid-19. Il exprime aussi son appréciation pour le « Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2020 : inclusion et éducation, tous sans exception ». Ce rapport donne des informations utiles pour des choix qui aident à éduquer les citoyens du monde et d’un monde sans frontières.

J’ai l’honneur de vous informer que le Pape François a institué la Commission vaticane Covid-19 (VCC) dont le but est d’étudier, à la lumière de la Doctrine sociale de l’Église, les problématiques socio-économiques liées à la pandémie encore en cours, pour offrir des pistes de réflexions pour les décideurs. Cette Commission, qui travaille avec une approche intersectorielle et multidisciplinaire, a été voulue par le Saint-Père toujours avec le souci de contribuer au bien commun de toutes les femmes et les hommes qui habitent la Planète. Dans ce sens, Sa Sainteté souhaite une collaboration internationale pour travailler ensemble au développement intégral de l’homme. (À ce sujet, la Délégation permanente du Saint-Siège auprès de l’UNESCO est à disposition pour donner de plus amples informations à tous ceux qui le demanderont.)

L’UNESCO est fortement impliquée dans ce développement et elle le fait avant tout par le biais d’une éducation intégrale. A cet égard, je suis sûr que notre Organisation, grâce à son Programme d’action global pour l’éducation en vue du développement durable, joue et jouera encore un rôle très important pour transformer l’éducation en un élément plus central et plus visible de la réponse internationale, unitaire et complète : de l’apprentissage à lire et à écrire au réchauffement climatique. Si éduquer est « introduire à la réalité totale » (Jungmann, SJ), il faut une éducation intégrale et donc, inclusive, qui n’éduque pas seulement à avoir plus, mais à être plus dans le respect et la valorisation non seulement des autres êtres humains, mais aussi de la nature.

À ce titre, le Saint-Siège salue la pertinence du Programme d’action global pour l’éducation au développement qui propose des lignes directrices concrètes pour éduquer à travailler en faveur d’un changement climatique qui préserve la Terre comme une maison commune vraiment habitable et durable.

La feuille de route de l’UNESCO pour la mise en œuvre de ce programme cherche à aider les personnes à comprendre l’impact du réchauffement planétaire actuel et à mieux familiariser les jeunes, notamment, au respect de l’environnement. Les aliments que nous consommons, l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, le nombre de médicaments qui sauvent nos vies et le climat qui rend notre planète habitable proviennent tous de la nature. Pourtant, la période que nous vivons est exceptionnelle. Pour prendre soin de nous-mêmes, nous devons prendre soin de la nature. Donc, la question de l’écologie est encore plus importante qu’avant. En effet, la réponse à cette pandémie du Covid-19, comme aux autres maladies, n’est pas que médicale. La réponse doit être intersectorielle et multidisciplinaire, en considérant l’éducation comme une priorité de cet engagement intersectoriel.

Pour y parvenir, l’UNESCO devrait renforcer la capacité des États membres à assurer une éducation au changement climatique de qualité, encourager les approches pédagogiques novatrices visant à intégrer l’éducation « écologique » dans les écoles et favoriser la sensibilisation à l’environnement ainsi que le renforcement des programmes d’éducation non formelle grâce aux médias, réseaux et partenariats. Donc, l’évolution du secteur de l’éducation devrait davantage harmoniser son rôle normatif avec son rôle opérationnel dans le contexte du Programme 2030 (cf. doc 209 EX/8)

Cette 209ème session du Conseil exécutif de l’UNESCO est une bonne occasion pour faire le point sur notre histoire et réfléchir sur notre futur commun, en accueillant « l’invitation urgente du Saint-Père à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète » (Lettre encyclique Laudato si’, n 14). Cinq ans après la publication de ce document qui montre son actualité prophétique, le Pape François nous invite à une éducation « écologique » qui doit tenir compte d’une éthique de la vie et du dialogue. Dialogue qui implique une éducation à l’écoute.

  1. Education écologique par une éthique du dialogue

Ce dialogue commence avec la prise de conscience qu’ « habiter la Terre » consiste à habiter « en elle »  avec un respect, une sobriété et une simplicité par rapport à ce que nous exigeons, prenons, ou recevons d’elle.

Mais c’est aussi habiter « avec elle » et prendre soin d’elle. La planète Terre est un don et une tâche pour nous tous. Faut-il avoir à son égard une attitude contemplative ou utilitariste, pour ne pas dire prédatrice ? La réponse est : il faut une attitude humaine qui s’assume dans le travail et la responsabilité.

Pourquoi le travail ? Les modalités par lesquelles l’homme traite l’environnement ont une influence claire sur la manière dont il se traite lui-même et vice-versa. Il y a une dimension éthique dans l’écologie et dans le travail de la personne humaine. A cet égard, je veux souligner ici de façon heureuse le suivi donné au  point 6.4 de l’ordre du jour de la Conférence Générale qui traite de l’opportunité d’établir une déclaration de principes éthiques en rapport avec le changement climatique. En effet, une écologie de l’humain favorise une écologie de l’environnement et un développement durable intégral. L’homme ne transforme pas seulement la nature en l’adaptant à ses propres nécessités, il se réalise aussi comme homme et, dans un certain sens, il devient alors plus homme (cf. Laborem excercens). Il est important de ne pas oublier que le rapport homme-nature est synthétisé par le travail. En effet, d’une part la nature est expression d’un dessein d’amour et de vérité. Elle nous précède et nous est donnée par Dieu comme milieu de vie. D’autre part, la nature est à notre disposition comme cadeau de Dieu qui en a dessiné les ordonnancements intrinsèques afin que l’homme en tire des orientations pour « la garder et la cultiver » (Gn 2,15), selon une utilisation sage, non instrumentale, ni arbitraire, et donc responsable.

La Responsabilité, qu’est-ce à dire ? C’est à dire, assez simplement, que dans la succession des générations, chacune a des devoirs envers celles qui lui succèderont, et que le premier de ces devoirs est de leur léguer les conditions d’une vie humaine sur la Terre des hommes. La responsabilité s’exerce à petite échelle, et nous le savons bien car — pour n’en citer qu’un cas — chacun doit veiller aujourd’hui à l’éducation de ses enfants. De fait, les enfants d’aujourd’hui seront les citoyens de demain. Mais la responsabilité s’exerce aussi à grande échelle, et nous sommes tous ici familiers du fait que nous sommes héritiers d’un patrimoine culturel et naturel que nous devons transmettre intact (et enrichi, peut-être) à nos successeurs.

Ici encore, l’UNESCO se distingue par son action en faveur de la préservation du pluralisme culturel, et le Saint-Siège veut saluer le lancement de la campagne « Unite4Heritage » par la Directrice Générale dont l’objectif est de faire de la protection de la culture un pilier de la construction de la paix. Cela étant, ajoutons qu’il n’y a pas de culture et d’héritage culturel et naturel possible si notre « maison commune », notre oikos, la planète que nous habitons, cesse d’être habitable. L’homme doit avoir le droit de penser, le droit de lire de la poésie ou d’écouter de la musique, le droit de prier et beaucoup d’autres encore. Mais où et sous quelles conditions exercer ces droits ? Plusieurs réponses sont possibles. Insistons aujourd’hui sur la plus élémentaire : notre habitation sur la Terre. Deux points sautent aux yeux. Le premier est que nous avons tous part à une même nature humaine. Le second est que nous y avons concrètement part, tous et absolument tous, en ce que nous sommes des « terriens ». Cette Terre doit être gérée avec intelligence et prévoyance. En effet, il nous reste assez d’intelligence et de prévoyance pour cesser d’être, vis à vis de notre « maison commune », ceux qui la saccagent, épuisent ses ressources et se désintéressent des générations à venir.

On ne possède pas « la » solution globale. Ce n’est pas peu, toutefois, que de parler d’une crise que tous reconnaissent et que tous analysent plus ou moins dans les mêmes termes. En termes simples, nous savons tous où nous en sommes. En termes aussi simples, nous savons tous où nous voulons aller : laisser la Terre habitable, ou la rendre habitable à nouveau si nous l’avons saccagée.

À lire et à relire tout ce qui a été écrit depuis qu’une « conscience écologique » est apparue, on conclura aisément que n’ont parlé intelligemment que les porte-parole de ceux qui n’existent pas encore, les générations à venir, qui exercent des droits sur nous, tout en n’étant pas là. Il est toujours plus facile de défendre les droits de ceux qui sont là. Défendre, en revanche, les droits de ceux qui ne sont pas encore là est certainement plus difficile. Les voix les plus lucides que l’on connaisse, et elles sont nombreuses, sont en tout cas celles qui défendent ces droits.

  1. Ecologie de l’environnement et écologie de l’humain

Maison se dit oikos, en grec, et le gérant se dit oikonomos, l’économe ou l’intendant. Lorsque le gérant se croit propriétaire, seul son droit compte à ses yeux. Mais lorsque le gérant sait qu’il gère une demeure que d’autres habitent en même temps que lui et, plus encore, que d’autres habiteront après lui, alors le respect des droits d’autrui doit primer pour lui. Le gérant, précisons, n’est pas préposé à l’idolâtrie. Il doit respecter la maison commune par respect pour ceux qui l’habitent et l’habiteront ; et la maison n’existe que pour ceux qui l’habitent et l’habiteront. Une maison doit être aimée, elle doit être entretenue, mais nous ne lui devons pas la vénération que nous ne devons qu’à autrui. Aucun gérant n’est créateur de la maison. Aucun gérant ne fabrique un homme nouveau. La vérité est moins ambitieuse en théorie mais plus respectable en pratique : le gérant doit être mû par l’amour de son prochain, y compris du prochain qui n’existe pas encore.

Ces propos ont été inspirés par la lettre encyclique Laudato Si’ consacrée il y a peu de temps à notre maison commune par le Pape François. Concluons en reprenant un propos de son prédécesseur, le Pape Benoît XVI, qui invitait à développer une « écologie de l’humain ». L’intelligence commande, dit Benoît XVI, de respecter l’autre homme autant que la maison que nous habitons ensemble dans la suite des temps : une écologie qui ignorerait les droits de l’homme à être un homme aujourd’hui et demain ne saurait pas ce qu’est une maison. Le Pape François dit que l’intelligence commande réciproquement que nous respections notre maison commune parce qu’en la respectant, nous prouverons notre amour du prochain. Dans tous les dangers qui nous menacent se cache un projet auquel C.S. Lewis a donné son nom, celui d’une « abolition de l’homme ». Il faut évidemment la refuser. Nous avons les moyens intellectuels de la refuser. La refusant, nous prouverons notre amour du prochain, quelles que soient les distances spatiales et chronologiques qui nous séparent de lui. Et comme le verbe « aimer » est toujours lié au verbe « faire », le souci que nous aurons de notre maison commune se traduira en ce qu’il faut appeler par son nom : en une authentique œuvre de miséricorde.

Merci de votre attention

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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